Qalaat Yahmur
قلعة يحمر
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Toponymes connus
- Qalaat Yahmur - Qalʿat Yaḥmūr / قلعة يحمر Arabic
- Castrum Rubrum Latin Med.
- Castrum Rubeum Latin Med.
- Hosn Yahmur - Ḥoṣn Yaḥmūr / حصن يحمر Arabic
Description
Histoire
Castrum rubrum – abusivement appelé « Chastel Rouge » à l’époque des premiers orientalistes puis malheureusement souvent repris sous cette dénomination – passa sous le contrôle des comtes de Tripoli vers 1112 pour être ensuite placé sous le commandement des Hospitaliers en 1178 par Raymond III de Tripoli (donation cachant en réalité l’abandon du château par ses anciens possesseurs, les seigneurs de Montolieu).
En 1188, le sultan Saladin, au cours de sa vaste campagne visant à réoccuper la Syrie du nord, enleva rapidement la place dite « hosn Yahmur ».
Certains spécialistes pensent pouvoir assimiler ces deux citadelles. Castrum rubrum serait alors une francisation de qalaat Yahmur, les Croisés ayant confondu – du moins phonétiquement – « yahmur » et « ahmar » – qui signifie rouge.
Que cette hypothèse soit juste ou non, cette place forte a sans doute été occupée à nouveau par les Francs pendant la majeure partie du XIIème siècle avant d’être définitivement enlevée par le sultan Qalaoun suite à la chute de Tripoli et au démantèlement de son hinterland .
Établie en rase campagne, au débouché de la trouée de Homs, elle assura vraisemblablement le logis d’un seigneur et d’une petite garnison qui le gardait et percevait les droits sur les villages alentours, à la manière de Burj Miar qui n’est éloignée que de quelques kilomètres et des nombreuses autres tours-maîtresses franques qui ancraient la présence franque dans la terre de Calife.
Description
Composé d’une tour maîtresse placée à l’intérieur d’une vaste enceinte rectangulaire, qalaat Yahmur présente un étrange assemblage d’éléments répondant à la typologie architecturale à la fois franque – dans la nature même du programme – et arabe – par exemple dans le travail esthétique d’encadrement de la porte d’entrée de la tour maîtresse, ou le chanfrein sur l’angle sud-est de la même tour. L’abondance de fenêtres et la faible épaisseur des murs sont d’autres aspects rendant difficile l’identification du commanditaire de l’ouvrage.
L’enceinte extérieure, réalisée à la manière des châteaux Francs dits de halle-sans-fin, comme à Qalaat Umm Hosh ou Coliath, avec ses espaces voûtés en berceau multi-fonctionnels le long des ailes ouest, nord et est, et son parapet percé d’archères sous niche, semble plus clairement d’origine franque. Sa grande porte à assommoir portait un linteau frappé d’une croix à double barre transversale dont les dernières traces ont malheureusement très mal supportées le récent nettoyage des parements. Il n’est plus possible aujourd’hui d’en distinguer précisément les contours.
Deux petites échauguettes sont venues postérieurement renforcer les angles nord-ouest et sud-est de l’enceinte. Celle au nord-ouest, encore bien conservée, présente une forme originale de chambre ouvrant sur trois côtés sur un mâchicoulis continu.
La tour maitresse, vraisemblablement réalisée après l’enceinte, est faite de deux niveaux formés par quatre voûtes d’arêtes retombant sur un pilier central. Le premier, percé seulement de larges jours, est atteint depuis la cour. Le second l’est depuis la terrasse formée par la plateforme de couronnement de l’enceinte. Ce grand volume était partagé en deux par un plancher aujourd’hui disparu. Ses murs sont percés de nombreuses archères à ébrasement simple et de fenêtres rectangulaires. Il n’est pas possible de circuler entre ces deux niveaux depuis l’intérieur de la tour. La plateforme sommitale est desservie par un escalier coudé aménagé dans le mur nord. Les couronnements ne sont pas conservés.
Il est à noter que ce type de petite fortification seigneuriale est couramment employé par les Francs. Les tours fortes répondant aux même proportions et situées, à l’instar de qalaat Yahmur, au beau milieu de domaines agricoles plutôt qu’en des endroits militairement stratégiques, abondent dans la région. Qalaat Umm Hosh en est l’exemple le plus similaire en ce qu’elle est aussi défendue par une enceinte quadrangulaire.
Au contraire, les stratèges arabes semblent avoir évité de construire ces éléments défensifs légers, incapables de soutenir le siège d’une armée et visiblement plus dédiés à l’expression locale d’une présence politique et militaire simple. Si de récentes découvertes tendent à montrer que, ponctuellement, de telles entreprises pourraient avoir été tout de même réalisées, cela ne permet pas encore d’inclure ce modèle d’édifice dans les canons de l’architecture militaire arabe médiévale. On retiendra aussi, à titre de contre-exemple, les tours de guets que l’émir de Homs fit bâtir pour se protéger des raids menés par les Hospitaliers du Crac des chevaliers. La construction de ces tours est mentionnée par le chroniqueur arabe Ibn Wassil.
D’importants travaux ont été entrepris en 2005 afin de restaurer l’édifice et la dernière famille qui habitait encore à l’intérieur du fort a été, depuis, déplacée. Ce chantier ne semble malheureusement pas très encadré et il faut espérer que certaines de ces restaurations ne dégradent pas la qualité historique de l’ensemble.