Edesse

Turquie | Comté d'Edesse

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Toponymes connus

  • Edesse Med.
  • Rohes
  • Urfa - أرفا Arabic
  • Ourhay - Ուռհայ Armenian
  • Shanli Urfa - Şanlıurfa Urfa / شنلي أرفا Turc Contemp.

Description

Français

Histoire

La ville d’Edesse se situe au carrefour des voies d’accès reliant « la fosse syrienne » à l’Arménie et la Mésopotamie. Cet important rôle de nœud routier devait lui conférer au fil des âges une position unique dans les relations entre Orient et Occident, tout en la destinant aussi à une insécurité permanente, comme en témoigne sa tumultueuse histoire.

Si les origines de la ville ne sont pas précisément établies, une tradition ancienne veut qu’elle fut fondée par les Séleucides en souvenir d’une capitale de leur patrie d’origine. La cité, de par sa situation géographique, louvoya longtemps entre les Empires d’Occident et d’Orient (Romains, Parthes, Sassanides, Byzantins) avant de devenir possession musulmane, jusqu’à sa reconquête par les Byzantins en 1031. Conquise entre temps par les conquérants Seldjukides, la ville était gouvernée à l’arrivée des Croisés, par un vieil aventurier arménien devenu prince, Thoros. Ce dernier, se sentant menacé de tous côtés par les possessions seldjukides, dépêcha une ambassade à Baudouin de Boulogne pour le supplier de venir au secours de sa ville. Baudouin accourut le 20 février 1098 à Edesse où il fut accueilli en sauveur par la population et le clergé arménien. Mais, là où Thoros souhaitait enrôler un fougueux mercenaire, les Edesséniens rêvaient de se donner pour chef un guerrier éprouvé, capable de les défendre contre les Turcs. La population obligea tout d’abord Thoros – qui n’avait pas d’enfant – à adopter Baudouin et en faire son héritier, puis, non satisfaite de cette fiction juridique, ourdit un complot contre lui : le malheureux fut exécuté dans une émeute, et précipité des remparts de la citadelle.

Peu après le désastre franc du Balikh qui vit la capture du comte d’Edesse et de sa chevalerie, la ville fut assiégée en juin 1104 par une armée de Mossoul. Il revint à Tancrède d’Antioche, alors régent du comté, d’assurer la défense de la place. Malgré le faible nombre de ses soldats, Tancrède galvanisa par sa détermination la population edessénienne qui fit preuve d’une grande vaillance, en repoussant tous les assauts turcs. Au septième jour de siège, le courageux Normand, sentant la situation désespérée et préférant mourir au combat plutôt qu’être vendu dans les souks d’Alep, organisa une furieuse sortie à l’aube, laquelle culbuta le camp turc au moment précis où son oncle Bohémond arrivait avec les renforts d’Antioche. Edesse était sauvée.

En avril mai 1110, une coalition d’émirs turcs vint de nouveau assiéger la ville. Le comte d’Edesse, dépassé par la multitude des armées ennemies, se résolut à faire appel au roi de Jérusalem, lequel accourut, rassemblant au passage le faisceau des forces franco-arméniennes. Si les Turcs s’enfuirent une fois de plus, les Francs d’Edesse, conscients de leur faiblesse numérique et jugeant la ville trop exposée pour être défendue de la sorte contre les vagues de la Contre Croisade, décidèrent de transformer Edesse en une puissante garnison avancée dans un désert ennemi, et d’en faire évacuer la campagne. Au cours de l’été 1112, l’atabeg de Mossoul Mahmûd réapparut à l’improviste sous les murs d’Edesse, qui eut été emportée par la trahison de certains arméniens sans la vigilance du preux Joscelin de Courtenay.

En novembre 1144, alors que le comte d’Edesse Joscelin II s’était éloigné de sa capitale pour mener un rezzou dans la région de Rakka, l’atabeg Zengi, renseigné sur la faiblesse de la garnison, accourut à marche forcée avec une armée « aussi nombreuse que les étoiles » pour surprendre la ville. En l’absence du comte d’Edesse, la défense de la cité incomba à l’archevêque franc secondé par les prélats arménien et jacobite. Malgré des conditions presque désespérées, la résistance des Edesséniens fut des plus héroïques. Mais au fil des jours, Joscelin II ayant négligé d’approvisionner la ville, la disette s’installa alors que l’artillerie de balistes et mangonneaux redoublait d’ardeur. Les mineurs alepins, connaissant parfaitement la topographie de la ville, parvinrent au bout de quatre semaines à saper un pan de muraille sur le front nord, et, malgré un contre-mur élevé à la hâte par les défenseurs, les assaillants ne tardèrent pas à s’engouffrer dans la brèche. Edesse fut prise le 23 décembre 1144, donnant lieu à un sac de trois jours durant lequel 15000 Edesséniens trouvèrent la mort. Zengi, habile politique, mit rapidement fin au carnage et fit preuve d’une grande mansuétude envers la population indigène – désirant sans doute conserver une Edesse loyale et prospère mieux à même d’assurer la liaison entre ses émirats de Mossoul et d’Alep – tandis que des persécutions systématiques étaient proférées contre les Latins.

L’assassinat du terrible Zengi deux ans plus tard redonna espoir à Joscelin II de récupérer la ville. Avec la complicité de l’élément arménien, les Francs parvinrent à la faveur d’une nuit d’octobre 1146 à réintégrer la place, avec l’espoir d’un secours rapide des autres princes francs. Toutefois, la réaction musulmane ne se fit pas attendre, et, bientôt la poignée de chevaliers francs tenant Edesse fut prise en étau entre la garnison de la citadelle et les innombrables troupes de Nur al-Din, fils et successeur de Zengi. Le comte Joscelin choisit d’opérer une sortie désespérée, mais, ralenti par la cohorte des chrétiens indigènes craignant de payer de leur vie le prix de la trahison, fut bientôt rattrapé par les Turcs. Nur al-Din, en farouche massacreur, livra la ville à un carnage sans nom : trente mille morts et quinze mille déportés en esclavage : tels furent les résultats de la folle équipée du dernier comte d’Edesse. La communauté chrétienne de la ville ne devait jamais se relever de ce désastre, tandis qu’en Occident, un immense émoi secoua la Chrétienté, provoquant le départ d’une seconde croisade…

Description

En dépit – ou peut-être à cause – de son rayonnement passé, Edesse ne conserve aujourd’hui que peu de vestiges de l’époque médiévale. Les puissantes murailles qui l’entouraient jadis, ses 145 tours et ses 300 églises, font désormais partie du passé ; seule la citadelle, bâtie sur un contrefort du Top Dagh, domine encore majestueusement la ville moderne.

Édifiée par l’Empereur Justinien, celle-ci ne semble suivre aucun plan régulier, mais épouse parfaitement l’assiette de l’éminence qu’elle couronne. Les courtines, maintes fois remaniées depuis l’époque franque, sont encore considérables, à l’image du fossé cyclopéen (30 m de large, 20 m de profondeur et 500 m de longueur ! ) qui borde la forteresse au nord-ouest et au sud. L’intérieur de la citadelle, auquel on accède par un goulet taillé dans le roc, ne présente plus d’intérêt particulier, si ce n’est l’existence de deux colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens appelées « trône de Nemrod ».