Caves de Tyron
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Toponymes connus
- Caves de Tyron
- Cavae de Tyrun Latin
- Shakif Tirun Arabic
- Tyroun en Niha Arabic
- Qalaat Niha Arabic Contemp.
Description
Histoire
La seigneurie de Sagette, qui s’étirait le long de la côte levantine, était la seconde en importance du Royaume de Jérusalem. Naturellement protégée par les puissants reliefs du Mont Liban, seules quelques voies, traversant le massif, en autorisaient l’accès, rendant pratiquement impossible toute incursion directe depuis la principauté de Damas, pourtant proche.
Sur les flancs du Jebel Niha, à l’entrée de la baronnie, les Francs aménagèrent un poste de surveillance commandant, depuis une position élevée et presque inaccessible, l’une des portes menant aux terres situées entre Sagette et Baruth.
Cet ouvrage se distingue fortement des ensembles militaires traditionnels rencontrés dans la région. Creusées dans un à-pic vertigineux de près de 300 mètres de haut, les Caves de Tyron , rejoignent, avec celles d’Habis Jaldak, de Memboa ou encore de Darkoush la petite famille des grottes fortifiées.
L’histoire de ces “caves” accrochées à la montagne ne nous est connue que par quelques faits épars, lesquels ne permettent pas de retracer précisement leur évolution au sein de l’Orient Latin.
Au cours des premières décennies d’existence du royaume de Jérusalem, les seigneurs de Sagette laissèrent la garde des caves de Tyron à un Sheikh druze, Dahhâk Ibn Jandal, avec lequel leurs relations étaient bonnes.
Cette tutelle perdura jusqu’à ce que l’ atabeg de Damas ne la lui enlève. Ce dernier, petit fils du respecté Togtekin (le Dodequin des chroniques franques), parvint à réunir une importante armée qu’il lanca en décembre 1132 contre les Latins. S’emparant dans un premier temps de Banias, il finit, le 24 novembre 1133, par enlever la grotte fortifiée défendue par Dahhâk Ibn Jandal.
Par la suite, la position fut selon toute logique réoccupée par les Francs, puisqu’en 1165, ce fut eux qui tentèrent en vain de la défendre contre les armées de Nur al-Din, menées par son lieutenant Shirkûh. Il semble que les assiégés aient livré la place en échange de leur vie sauve. Ce calcul fut fort maladroit, tout du moins pour le commandant de la place qui, une fois libéré, fut pendu à Sagette pour trahison…
Près d’un siècle plus tard, en 1250, lors de la signature d’un traîté conclu pour la libération de Saint Louis – capturé après la désastreuse bataille de Mansourah – les Caves de Tyron revinrent aux Francs. Leur garde incomba aux Teutoniques en 1257. Ceux-ci ne surent pas mieux la défendre que leurs prédécesseurs puisqu’il semble que dès 1260, les Mamelouks les en aient chassés.
C’est dans les logis des Caves de Tyron qu’en 1585, le père du fameux Fakhr ad-Din vint mourrir après avoir été suspecté par les Ottomans d’avoir pillé la caisse des impôts impériaux. Son fils, brillant adversaire de la Sublime Porte, remis en service bon nombre de forteresses médiévales, dont ces grottes, connues depuis sous le nom de Shakif Tyron . Peu avant sa chute finale, Fakhr ad-Din s’y réfugia momentanément, avant d’être capturé puis exécuté à Istambul.
Description
On aperçoit le site des Caves de Tyron en prennant la route reliant Saîda à Jezzin. A l’endroit où le regard porte sur les cascades du Casal Gezin des Francs, l’impressionnante falaise qui lui fait face et regarde vers la mer forme comme un bourrelet ; une paire de jumelle permet alors de distinguer – pour peu que l’on sache où chercher – les salles percées dans la roche. Pour gagner le site, une marche sera nécessaire. Un récent balisage rend aujourd’hui la chose aisée et l’entrée, qui se situe au bout d’une corniche parcourant la falaise au deux tiers de sa hauteur, est marquée par l’empreinte d’un ouvrage maçonné, un dallage au sol ainsi que le soutènement du parcours par un mur médiéval.
Le site s’étire alors sur près d’une centaine de mètres. Le boyau autorisant la circulation le long de la falaise s’élargit par endroits, mais reste toujours bordé sur un côté par l’impressionnant précipice qui surplombe le lit du Wadi Jezzin .
Le tracé est ponctué de plusieurs éléments remarquables :
Tout d’abord, on rencontre les restes d’un ouvrage maçonné visiblement destiné à recueillir le contenu de canalisations en terre cuite, qui acheminent l’eau d’une source située à un kilomètre de là. Plus loin, une vaste citerne rectangulaire est encore revêtue de son enduit rosé.
En poursuivant, on rencontre plusieures niches tranchant parfois profondément la paroie, ainsi que d’autres citernes et de vastes silos en forme d’amphore. La falaise est partout percée d’alvéoles et leur grand nombre donne une idée de l’importance qu’a pu avoir la structure en bois qui devaient exister, accolée aux cavernes.
En arrivant à hauteur des premières salles taillées dans la roche, on remarque que le passage, alors en forte pente, a été aménagé sur son extérieur. Deux envolées de marches sont encore visibles. Toutefois, la proximité du ravin incitera le visiteur a ne pas tenter de les utiliser!
L’accès aux différents logis qui composent le fortin n’est pas aisé. Directement extrudés de la paroie rocheuse, les chambres surplombent de plusieurs mètres l’étroit boyau longeant la falaise. La disparition des structures en bois qui rendaient possible la circulation entre les différents niveaux rend la visite de l’intérieur des salles périlleuse. En effet, il faut aujourd’hui escalader à ses risques et périls la falaise pour gagner chacun des intérieurs…
Le premier logis présente la particularité d’être précédé sur son palier de six marches taillées, en dirigeant l’accès. Une fois ce dernier atteint, l’espace se divise en deux volumes : en avant, une première pièce enfoncée dans la paroi et sur la droite, un espace plus important, ouvert sur deux faces – l’une des deux devait être fermée par un panneau en bois, les alvéoles pour enchasser les poutres sont toujours en place. Plusieures niches sont visibles. La taille de la pierre, finement exécutée au tailloir à dents, laisse supposer un travail franc.
Le second logis est plus simple. Il se compose d’une unique chambre, aux petites dimensions. Le travail de la porte est très soigné. A l’intérieur, on remarque au mur des trous qui, vu leur nombre et leur emplacement, laissent penser qu’ils permettaient de supporter un lit. Une autre petit niche, noircie, a visiblement servi de reposoir.
L’emplacement des gonds de la porte indique que celle-ci avait une articulation non verticale mais horizontale, et qu’elle s’ouvrait de bas en haut. Au niveau du pas de la porte, des orifices permettaient sûrement de bloquer l’ouverture en enfichant des verrous. Les mêmes marques sont visibles sur la porte de la petite chambre du premier logis.
Un troisième logis, non visité, est visible un peu plus haut sur la falaise.
A chaque endroit, que ce soit depuis les chambres ou depuis la corniche, la vue porte jusqu’à la mer. On aperçoit distinctement l’endroit où le Nahr al-Barouk rejoint le Wadi Jezzin pour former le Nahr al-Aouali , celui-là même qui, quelques kilomètres plus loin, est défendu par le fort de Belhacem. C’est bien la ville de Saïda qui ferme l’horizon et l’on comprend alors pourquoi cette position, pourtant orientée vers l’intérieur des territoires francs, pût être stratégique à leurs yeux.