Montreal

Jordanie | Terre d'Oultre Jourdain

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Toponymes connus

  • Montreal
  • Shobak
  • Castrum Saboach
  • Mons Regalis Latin
  • al-Shawbak - الشوبك Arabic

Description

Français

Histoire

D’une belle et grande mélancolie au milieu des étendues désolées d’Idumée, Montréal – aujourd’hui As-Shawbak – domine de son éminence la vallée du Wadi al -’Araba, entre le Wadi al-Ruwer et la source Ain Nedjel.

Cette contrée, jadis fertile et prospère, fut choisie par le roi Baudouin 1er de Jérusalem pour y établir l’une des premières forteresses d’importance construites par les Croisés en Terre Sainte, marquant à la fois l’expansion et l’approfondissement de l’hégémonie franque sur la région.

Baudouin, avait, dès le début de son règne, accompli diverses reconnaissances et promenades militaires à travers la dépression du Wadi al-‘Araba (1100, 1107, 1112), du sud de la Mer Morte jusqu’au golfe d’Aqaba. En 1115, il jeta son dévolu sur le seul endroit quelque peu fertile entre Petra et les monts du pays de Moab.

Les Chroniqueurs francs insistent sur l’implication personnelle du roi Baudouin dans la construction de la forteresse, la faisant surgir ex nihilo, à l’aide de quelques 200 chevaliers et 400 piétons, parait-il au bout de dix huit jours. En témoignage de son initiative et de ses efforts, il la nomma Montréal, c’est-à-dire Mont Royal.

Il n’est que de souligner l’aspect stratégique de la position, qui, outre ses deux sources émergeant au pied du mamelon, pouvait être, au cœur d’une région alors majoritairement chrétienne, un axe de pénétration majeure de la politique coloniale franque, doublé d’un redoutable point de contrôle des voies commerciales et de pèlerinage, procurant au royaume de Jérusalem d’importants subsides.

Ces deux assertions sont d’ailleurs vérifiées par des témoignages d’époque : Montréal apparaît en effet à plusieurs reprises comme un lieu de coexistence pionnier des éléments francs et « indigènes » aux confins du Royaume de Jérusalem, comme purent l’être, à la même époque, certains points fortifiés de la principauté d’Edesse. Ce degré d’imbrication est confirmé au détour d’une anecdote par Thietmar, pèlerin allemand qui, parcourant la Transjordanie en 1217 – c’est-à-dire peu après l’effondrement du royaume de Jérusalem – fut hébergé lors de son passage à Shawbak par une veuve franque et ce, près de trente ans après la perte de la région par les Francs…

L’autre témoignage, relatif à l’importance du lieu en tant que point de contrôle, est celui d’Usâma Ibn Munqidh, surpris en 1164 par une patrouille de cavaliers de Montréal dans les Monts Muwailih, en pleine Arabie Pétrée, récit soulignant au passage le grand rayon d’action de la garnison de la forteresse, ancêtre de l’actuelle police du désert jordanienne !

La première moitié du XIIème siècle, apogée de la princée d’Outre Jourdain fut pour le Mons Regalis une période de prospérité et de développement, sans que sa garnison n’ait à affronter de périls majeurs. Le château fut tout d’abord inféodé en 1118 à Romain du Puy, lequel, s’étant associé à une révolte de la noblesse de Jérusalem, fut dépossédé vers 1133 au profit de Payen le Bouteiller, échanson du royaume, qui bâtira par la suite la forteresse Kérak.

Le danger n’arriva qu’avec l’éclosion du pouvoir de Saladin en Égypte et la prise de Damas par Nur al-Din : séparant les deux hommes forts de l’Islam, les possessions d’Idumée se virent, du jour au lendemain, précipitées au centre de leur rivalité et de leurs appétits…

Ainsi, dès 1169, Saladin, tout juste vizir d’Égypte, organisa quelques raids contre les deux Cracs d’Outre Jourdain. Il entreprit à nouveau d’assiéger Montréal deux ans plus tard, avec le même insuccès. Au mois de septembre 1171, ce dernier surgit par surprise d’Égypte et serra cette fois-ci de si près la garnison qu’elle demanda la vie sauve et un délai de dix jours au terme duquel elle remettrait la place. Sa capitulation était d’autant plus inéluctable que le roi Amaury préféra ne pas dépasser le point d’eau de Bersabée au Nord Ouest d’Hébron lorsqu’il apprit que Nur al-Din rejoignait Saladin avec ses troupes de Damas. Par chance – ou peut être Amaury l’avait-il anticipé – Saladin, obéissant à des considérations géostratégiques, leva précipitamment le siège, prétextant la nécessité d’étouffer une révolte fatimide au Caire.

En 1172-1173, le rejeton d’Ayoub lança de nouvelles attaques contre Kérak et Shawbak qui se soldèrent par des échecs. Près de dix ans plus tard (mai 1182), Saladin, devenu entre temps leader suprême de l’Islam, envoya quelques troupes ravager les environs immédiats du Crac, alors qu’il empruntait la piste du Hajj afin de se rendre à Damas.

En avril 1187, ce furent plus de 12000 hommes qui déferlèrent sur les deux forteresses d’Outre Jourdain. En octobre de la même année, peu après l’éclatante victoire de Hattin, le Sultan négocia avec Etiennette de Milly – veuve du seigneur d’Outre Jourdain – la libération de son fils Onfroi contre la capitulation de Kérak et Montréal, ce à quoi les garnisons concernées répondirent par une fin de non recevoir. La citadelle ne tomba qu’après un an et demi d’un terrible siège, vers avril-juin 1189 ; les héroïques défenseurs, réduits à la plus horrible famine et rendus aveugles par le manque de sel, forcèrent l’admiration du Sultan qui leur fit les honneurs de la guerre…

Une étrange d’impression s’empare de vous à l’approche de la citadelle en pensant à ses jardins que l’on comparait jadis à ceux de la Ghûta près de Damas ! Les alentours de Montréal, bien qu’aujourd’hui majoritairement arides, ne sont pas pour autant dénués d’intérêt et, avant de gravir la rampe d’accès qui mène jusqu’au château, une balade autour du mamelon est plus que recommandée.