Belvoir
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Toponymes connus
- Belvoir Med.
- Coquet, le Med.
- Kawkab al-Hawa - كوكب الحوا Arabic
- Kokhav ha-Yarden - כוחב הירדן Hebrew Contemp.
Description
Histoire
Juchée à plus de 300 mètres au-dessus de la vallée du Jourdain, la citadelle de Belvoir est bâtie en bordure du plateau de Naphtali, face aux collines de Guilead. Justement nommée Belvoir (également « le Coquet » !) par les Croisés, de part les vues qu’elle pouvait offrir sur la plaine d’Esdrelon (aujourd’hui plaine de Jezréel), la forteresse originelle fut édifiée par un obscur seigneur franc, Velos – vassal du comte de Tabarie – non loin des ruines d’un antique village juif nommé « Kochav », c’est-à-dire “l’Etoile” (curieuse correspondance : en arabe, la citadelle répond au doux nom de Kaukab al-Hawa, littéralement, “l’Étoile des vents”). Ce Velos vendit son apanage en 1168 à l’ordre des Hospitaliers, lesquels, comprenant l’importance stratégique de ce site, non loin du pont de Dudaire (actuel pont Allenby), décidèrent d’y bâtir une forteresse d’exception.
Dans la décennie qui suivit la prise en main de la citadelle par les frères Hospitaliers, celle-ci fut épargnée par le fracas des batailles. Ce ne fut qu’avec les coups de boutoir successifs de Saladin contre les verrous francs de Galilée et de la Terre de Suète, que Belvoir fut soudainement projetée au coeur des combats.
Une première fois, au cours de l’été 1182, les troupes de Saladin rencontrèrent l’armée franque en contrebas de la forteresse, au niveau du bourg de Forbelet (‘Afrabalâ, village arabe détruit pendant les affrontements de 1948). Saladin ne s’en prit de nouveau à la forteresse que cinq années plus tard, suite à sa victoire retentissante contre l’armée franque aux Cornes de Hattin. Ce siège, qui dura près de dix-huit mois, est resté totalement ignoré des chroniques franques (ce qui pourrait peut-être s’expliquer par l’isolement de la forteresse, au regard des lambeaux côtiers du royaume de Jérusalem encore aux mains des Francs). On sait toutefois par les chroniqueurs arabes que la stratégie employée fut celle du blocus, et que les forces laissées par le sultan furent rudement malmenées au cours d’une sortie nocturne de la garnison, au terme de laquelle l’émir commandant les troupes fut tué. Saladin fut donc contraint de venir superviser lui-même le siège en mars 1188, et comprit rapidement que la forteresse, bien approvisionnée en vivres et en hommes déterminés, devrait être emportée de vive force. Il revint avec des troupes plus considérables l’hiver suivant, après la chute de Safed. Sous une pluie battante et un vent violent, les troupes ayyoubides, embourbées, parvinrent finalement à saper la muraille externe de château sur le front sud. La garnison se rendit le 5 janvier, et put rejoindre sans condition la ville de Tyr. En 1217-1218, les fortifications du château furent démantelées par les gouvernants musulmans qui craignaient sa reconquête par les Francs. En 1240, l’habile politique de Frédéric II aboutit à sa rétrocession. Mais faute de fonds, la forteresse ne fut pas relevée et les Musulmans s’en réemparèrent quelques années plus tard…
Belvoir resta en ruines jusqu’aux fouilles entreprises en 1966. Les fortifications, relativement bien conservées sous des masses de gravats furent mises au jour.
Description
La forteresse, à l’image d’une poupée russe, se compose de deux enceintes concentriques, rappelant, de part leur configuration, le plan classique du castrum
L’enceinte extérieure, formant un quadrilatère de 110 × 110 m de côté, est précédée d’un fossé artificiel large de vingt mètres et profond d’une quinzaine de mètres sur trois de ses côtés ; le dernier, à l’est, étant naturellement défendu par le flanc de la colline, ainsi qu’une imposante tour. Ces douves sèches empêchaient l’installation à proximité des murailles de machines de siège, mais rendaient surtout considérablement difficile le travail de sape, d’autant que les murailles étaient renforcées de larges soubassements naissant au fond des fossés, et composées de pierres en basalte très résistantes, qui plus est retenues entre elles par des crampons de fer en forme de U.
L’entrée principale se trouvait sur le flanc est, par une porte percée dans l’angle sud-est, à laquelle on accédait au moyen d’une rampe aménagée dans la déclivité de la pente. Cette entrée était prolongée d’une étroite barbacane, elle-même commandée par l’imposante tour précitée (aujourd’hui largement ruinée). Une porterie à sas et coudée, placée au début de la barbacane, permettait d’atteindre une double porte fortifiée, laquelle menait véritablement à l’intérieur de la forteresse. Cette ultime porte, surmontée d’un assommoir, était fermée par des vantaux de bois, recouverts de métal et close de l’intérieur par une lourde poutre qui s’enclenchait dans des rainures ménagées sur chacun des vantaux. Une entrée secondaire était ménagée sur le front ouest de la citadelle ; on y accédait par un pont-levis jeté au-dessus du fossé, lequel pouvait être détruit en présence d’ennemis.
Aux quatre angles de la forteresse, se dressent autant de tours carrées, saillantes de près de cinq mètres au devant de l’enceinte. Afin de couvrir totalement les 480 mètres de courtine, trois tours carrées faiblement saillantes furent aménagées au centre de chaque front de la forteresse. Ainsi, tout le périmètre des remparts et des fossés pouvait être défendu par des feux croisés. Chacune de ces tours comportait un étroit escalier d’issue vers le fossé, dont les marches étaient exceptionnellement hautes, afin de rendre malaisée toute tentative de pénétration ennemie. Ces poternes étaient utilisées par la garnison lors de ces sorties contre les assiégeants.
Adossé à l’enceinte externe du noyau castral, se trouvait un ensemble de vastes pièces aux plafonds voûtés servant d’étables, d’entrepôts et d’habitation, mais également de chemin de ronde à la garnison. Par endroits, on peut encore apercevoir les départs de voûtes qui soutenaient le plafond.
Certains éléments de ces bâtiments sont encore bien conservés aujourd’hui, notamment une citerne, où l’eau de pluie était recueillie au moyen d’un système de conduites aménagées dans les toits. Près de ladite citerne, se dressent les vestiges de ce qui fut la boulangerie de la garnison, avec son grand four double et ses grandes tables de préparation des miches. On trouve des dispositions similaires dans d’autres grands ouvrages hospitaliers contemporains, comme à Kerak, au Crac des chevaliers ou encore à Arsuf. Ces dispositifs sont évidemment à distinguer des cuisines, qui étaient munies de fours simples, plus petits.
L’enceinte intérieure, séparée de la précédente par une cour, en est la réplique quasiment exacte. Formant un carré de 50 × 50 m de côté, ce castrum interne contenait le réfectoire, les cuisines – une cuisine et ses trois fours sont clairement identifiables sur l’aile gauche -, la « grand’ salle », et, vraisemblablement les logements des chevaliers. L’entrée se faisait à l’ouest au travers d’une tour spécialement prévue pour la défendre. Elle se compose de deux séries de portes avec arc en tiers pont et assommoir, placées, là aussi, perpendiculaires l’une à l’autre. Une pierre sculptée de l’antique synagogue du village juif de Kochav a été remployée à la base d’une de ces portes. Une cour pavée de 22 × 22 m, formait le coeur de la forteresse, avec en son sein les vestiges de la chapelle castrale, bâtie en pierres calcaires.