Qalaat Ben Qahtan
قلعة بن قحطن
Syrie | Principauté d'Antioche
Visites : 2006, 2008
Toponymes connus
- Qalaat Ben Qahtan - Qalʿat Banī Qaḥtān / قلعة بن قحطن Arabic Contemp.
- Bikisrail - بيكسرائيل Arabic Med.
- Castellum Vetulae Latin
Description
Histoire
Au cœur du djebel Bahrâ, l’actuel château de Bikisraîl est connu dans les chroniques franques sous le nom de Castellum Vetulae, ce qui peut être littéralement traduit par « Vieille Forteresse ». Il appartenait, à la veille des Croisades, à la famille arabe des Ibn ‘Ammâr, les seigneurs de Tripoli.
Pour autant, la forteresse fut vraisemblablement édifiée par les Byzantins vers 1030, sans doute en réplique à la construction par les tribus montagnardes de la forteresse de Malavans. Elle entra dans le giron franc au printemps de l’année 1111, lorsque Tancrède, prince d’Antioche, s’en empara alors qu’il entreprenait parallèlement l’édification de la forteresse d’Acharné/Tell Ibn Macher, destinée à surveiller le château de Sheïzar.
Le siège de la forteresse dura en tout trois mois selon le chroniqueur Albert d’Aix. Il apparait que les troupes antiochéennes durent faire face à une importante résistance de la part des assiégés, nombreux et forts de leur position. Alors que les Francs ravageaient la région, un émir du cru, ému du sort réservé à ses gens et ses récoltes, conclut avec Tancrède un traité par lequel il s’engagea à l’aider à investir la forteresse en échange de l’arrêt des hostilités envers ses terres. Tancrède accepta et lui envoya en guise d’auxiliaires dix chevaliers et cent hommes de pied.
Toujours d’après Albert d’Aix, l’inédite troupe franco-musulmane s’engagea alors par des sentiers escarpés pour investir le front du château qui n’avait jusque-là pu l’être et construisit un ensemble d’abris et de cabanes pour se prémunir d’éventuelles sorties des assiégés. La première nuit, ces derniers engagèrent une sortie et un rude combat s’engagea jusqu’au matin, au cours duquel les cent hommes de Tancrède furent tués. L’émir, grièvement blessé, put, non sans beaucoup de peines, regagner son camp avec l’aide des dix chevaliers francs placés sous son autorité.
Tancrède poursuivit alors le siège avec une ardeur redoublée et fit dresser douze mangonneaux contre l’enceinte extérieure, qu’il fit battre un mois durant. Il parvint enfin à la percer et put atteindre le réduit intérieur. Les assiégés, voyant qu’ils ne pouvaient plus se mettre à l’abri des pierres, incendièrent à la faveur de la nuit le réduit et prirent la fuite.
Cette prise de Tancrède eut lieu deux ans après qu’il eut conquis sur le littoral la ville de Gibel. Cet engagement le long du littoral syrien semblait traduire pour le seigneur normand à la fois une volonté d’asseoir les limites méridionales de la principauté d’Antioche, celle de protéger ces possessions littorales et enfin de les relier à ses possessions de la vallée de l’Oronte. En effet, de part son emplacement au cœur des contreforts occidentaux du Djebel Ansarieh, la forteresse gardait un des rares passages menant à la vallée du Ghâb, et à la lointaine ville d’Apamée, alors possession de Tancrède.
La forteresse semble ensuite avoir appartenu à la famille Masoiers, qui possédait le château de Margat, non loin de là.
Vers 1131, les tribus locales réussirent à s’en emparer, profitant de l’anarchie régnant alors dans la principauté d’Antioche, suite à la tragique mort de Bohémond II en Cilicie et aux intrigues de sa veuve d’Alix. Derechef, la forteresse passa aux mains des Francs un peu plus tard pour ensuite repasser à une date inconnue sous le giron musulman.
En 1180, le prince Bohémond III d’Antioche concéda à l’Ordre de Saint Jacques ses droits sur ce château et sur tout le territoire de Bikisraîl, si ses chevaliers pouvaient s’en emparer dans le délai d’un an. Il n’en fut rien et lorsque Saladin enleva le port franc de Gibel, les occupants de la forteresse lui prêtèrent rapidement allégeance.
En septembre 1210, le prince d’Arménie Raymond Roupen fit don à l’ordre de l’Hospital du port de Gibel et de « la Vieille Forteresse » si les Chevaliers de l’Ordre parvennaient à les reconquérir.
Autour de Bikisrail existaient aux temps des Croisades quatre villages, ceux de Bessil, Carnehalia, Nenenta et Neni, qui ont été reconnus au début du XXème siècle en Besseïn, Qurn Halié, Ninnenté et Ninet.
Description
La forteresse campe au coeur du Djebel Bahra, à une vingtaine de kilomètres à l’Est de l’actuelle ville côtière de Gibel. Le site retenu consiste en une croupe rocheuse ovale alongée d’Est en Ouest sur un plus de 200m. Sa largeur Nord-Sud n’excède pas 50m. Ce mamelon, peu élevé, est bordé au Nord et au Sud par deux ravins aux pentes abruptes au fond desquels coulent deux torrents qui se rejoignent presque immédiatement à l’Ouest pour former le Ouadi al Malouk. Un village s’est développé aux pieds des courtines ainsi que dans certaines des cours intérieures.
Le château se compose de deux enceintes concentriques épousant chacune les contours du mamelon. L’enceinte basse est assez bien préservée sur tout le front Est. Elle est réalisée en moellons portant des bossages rustiques et est défendue par une série d’archères dont la morphologie des niches laisse penser qu’il s’agit d’un ouvrage arabe. Sur l’essentiel du tracé, la courtine est réalisée sans fondation et repose directement sur le substrat rocheux qui a été aménagé et taillé verticalement sur plusieurs mètres directement au droit des assises basses. Aucun ouvrage particulier ne renforce cette première ligne de défense et l’emplacement de la porte ne peut pas être déterminé.
La seconde enceinte est réalisée en un appareil de même taille et dont les moellons sont beaucoup mieux appareillés et présentent des faces lisses. Il s’agit très vraisemblablement des vestiges du château byzantin initial. Le tracé de la courtine est marqué par la présence, notamment sur les fronts Est et Nord de plusieurs tours rectangulaires et de saillants qui en renforcent la défense.
A l’intérieur de la cour formée par l’enceinte haute, de nombreux aménagements malheureusement très ruinés attestent du nombre important de remaniements dont fut l’objet cette forteresse. Salles voûtées, couloirs, niches et grandes portes s’enchevêtrent sans qu’il soit aisément permis de comprendre le principe général de l’organisation malgré les nombreux dégagements qui ont été réalisés en 2008.
Malgré l’absence de vestiges attribuables aux Francs, l’importance des ouvrages toujours en place prouvent l’importance du rôle qu’a pu avoir Bikisrail à l’époque médiévale.